Ce jeudi matin, Madame Catherine AMIOT, Vice-Présidente du Conseil Départemental en charge de la transition écologique, du plan environnement, des mobilités douces et des forêts a accueilli dans l'hémicycle du Conseil départemental à Mâcon, Mme Florence HABETS hydro-climatologue, directrice de recherche au Centre national de la recherche scientifique et professeure attachée à l’École normale supérieure pour une conférence sur la corrélation entre le dérèglement climatique et le cycle de l'eau.
Mme HABETS fait figure d’expert scientifique en matière de changement climatique et siège au Conseil Scientifique de l’Agence de l’Eau Seine Normandie. Elle est actuellement responsable du projet Aqui-FR qui vise à permettre un suivi et une prévision de la ressource en eau souterraine en France ainsi qu’à faciliter les études d’impact du changement climatique.
La mobilisation de Madame Florence HABETS s’est faite par l’intermédiaire de la société Koncilio, avec laquelle le Département a contractualisé des actions de sensibilisation et de formation sur la thématique du changement climatique et de la préservation de l’environnement (Fresque du climat, fresque de la biodiversité ...).
Près de 90 personnes étaient présentes dans l'hémicycle, des parlementaires et de élus départementaux ; les structures associées au Comité de pilotage de l’étude ressources-usages : services de l’Etat, Agence de l’eau, organismes consulaires, EPCI à fiscalités propres, collectivités gestionnaires de l’eau potable, structures de bassin versant (syndicats de rivières, EPAGE, etc.) ; et des représentants des services départementaux
Eau et Climat, une situation préoccupante
L’évolution du climat affecte désormais tous les territoires et impacte l’ensemble des ressources en eau. Les effets du changement climatique sont sensibles sur les précipitations, les vagues de chaleur, l’enneigement, les sécheresses et les événements extrêmes.
Les projections scientifiques annoncent une raréfaction de l’eau disponible pour les prélèvements, une réduction de la recharge des nappes phréatiques, en moyenne de 10 % à 25 %, et une baisse des débits moyens des cours d’eau entre 10 % et 40 % avec des étiages plus sévères et plus longs.
La question de l’adéquation entre la disponibilité en eau et la quantification des besoins en eau n’a jamais été aussi prégnante. Dans ce contexte, l’Assemblée départementale a décidé d’engager une démarche prospective sur l’adéquation entre la disponibilité de la ressource et les différents usages de l’eau à l’horizon 2050-2070.
Dans cette approche, il s’agit également de s’intéresser aux usages qui sont fait de l’eau, à l’échelle de chacun des 11 bassins versants identifiés (20 unités hydrographiques). Différents scenarii d’évolution de ces usages seront travaillés pour s’interroger : les ressources disponibles dans le futur permettront-elles de satisfaire l’ensemble des usages ?
Cette réflexion sera menée sur l’ensemble du territoire départemental, et même un peu au-delà pour prendre en compte la totalité des sous-bassins versants de la Saône et de la Loire présents sur le département. L’objectif est d’identifier les secteurs les plus en tension, et d’accompagner les maîtres d’ouvrages locaux à s’y préparer. En particulier, nous espérons que les structures de bassins versants (syndicats de rivières, EPAGE...) utiliserons les données de l’étude pour lancer, sur les bassins versant en tension, des démarches de type « projet territorial de gestion de l’eau » (PTGE) ou « Hydrologie, Milieux, Usages, Climat » (HMUC).
La raréfaction de la ressource va en effet conduire à la nécessité de disposer d’informations beaucoup plus précises sur les volumes indispensables à la vie aquatique, et sur les volumes qui resteront disponibles pour nos différents usages.
Cela devra s’accompagner d’une gouvernance locale de la gestion quantitative de la ressource, à l’échelle de chaque bassin versant.
Après plusieurs mois de co-construction avec les acteurs des territoires, le Département a confié au groupement ECODECISION / SUEZ CONSULTING la conduite d’une étude prospective sur l’adéquation entre la disponibilité de la ressource et les différents usages de l’eau à l’horizon 2050-2070.
D’une durée de 16 mois cette étude s’articule en 4 phases réparties sur 2023 et 2024 :
- Phase 1 : Collecte et qualification des données à l’échelle des territoires ;
- Phase 2 : Traitement des données et confrontation des disponibilités et des usages de l’eau actuels ;
- Phase 3 : Confrontation et diagnostic territorialisé des disponibilités et des usages de l’eau futurs ;
- Phase 4 : Pistes d’adaptation territorialisées et partage des conclusions de l’étude.
Après 6 mois de collecte de données, la phase 1 de l’étude se termine et dès 2024 le groupement ECODECISION / SUEZ CONSULTING va travailler pour quantifier les prélèvements des différents usages et la disponibilité des ressources en eau, dresser un diagnostic de la situation actuelle et de la situation future selon l’état des connaissances en matière de changement climatique.
Le Département a souhaité organiser, en prélude à ce travail qui s’engage, une conférence introductive autour de l’eau et du climat pour partager l’état des connaissances scientifique relative au changement climatique et sensibiliser les acteurs du territoire ainsi que les élus aux enjeux de demain.
Une conférence pour quoi ?
La Vice-Présidente a souligné les enjeux de cette conférence : « identifier les secteurs en tension pour accompagner au mieux ces territoires et mettre en œuvre des démarches spécifiques, organiser la sobriété et le partage de l'eau, apporter une culture de la donnée. Une donnée existante standardisée, fiable et partagée préalable à toutes démarches du partage de l'eau », avant de laisser la parole à la conférencière.
La conférence était organisée autour de deux interventions de Madame Florence HABETS, ponctués chacun de temps d'échange. Une première partie consacrée au changement climatique et comment il affecte la répartition de l’eau sur le globe et en France. La seconde, sur les conséquences plus locales sur la ressource en eau (pluviométrie – hydrologie saisonnière), et sur les usages qui y sont liés.
Comment le changement climatique impacte le cycle de l'eau ?
La scientifique a expliqué le premier impact de l'évolution de la circulation générale de l'air, de l'humidité à l'échelle globale qui va intensifier les contrastes entre l'assèchement des latitudes tempérées (Sud) et l'humidification des hautes altitudes plus au Nord.
Autre phénomène constaté du dérèglement climatique : l'équilibre thermodynamique. Un air plus chaud apporte plus d'humidité. Une augmentation de 1°C apporte plus de 7% de pluie. Situation déjà observée au sud de la France. Ce même processus implique une augmentation des sécheresses. Il y a un déficit d'au au dessus des continents qui a augmenté de 11% en 30 ans à l'échelle globale. On observe également une diminution des recharges de la nappe phréatique et le problème de la qualité de l'eau (pollution). La consommation d'eau par l'humain a un effet exponentiel. La perte de la diversité aquatique est deux fois plus importante que dans le milieu terrestre.
Le cycle de l'eau abordé en seconde partie montre qu'en moyenne 38% des précipitations continentales viennent des océans . En France, plus de 90% des pluies viennent des océans. L'homme détourne un flux d'eau considérable équivalent à la moitié des débits sur Terre.
Situation en Saône-et-Loire, en août 2022 : 8 rivières Assec, 8 rivières sans écoulement.
Les différentes mesures à prendre en compte pour l'adaptation : le stockage de l'eau. En France, on compte entre 600 000 et 800 000 réservoirs plan d'eau. La gestion de l'eau par l'offre est un verrouillage technique, qui augmente la vulnérabilité. Actuellement, on draine les sols et on stocke l'eau en rivière.
L'eau est menacée par les activités humaines, pour y remédier, les solutions doivent multiplier les co-bénéfices :
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pour l'atténuation du changement climatique
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la préservation de la biodiversité
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la réduction des pollutions
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la préservation des sols
Maryse Amélineau
Photos © Maryse Amélineau