Le festival de cinéma « Palestine en vue » s'est exporté à Mâcon ce jeudi.
Le thème, « 1948-2018 : Résistances et résilience en Palestine », met en exergue 70 ans d'histoire qui ont bouleversé la vie des Palestiniens obligés de partir, de tout abandonner pour rejoindre les camps de réfugiés en Cisjordanien, à Gaza ou ailleurs. Un travail de mémoire effectué par les cinéastes palestiniennes et palestiniens dont les films sont projetés cette année.
L'ERAAP (Echanges Rhône-Alpes-Auvergne-Palestine), association organisatrice de l'événement, était au Cinémarivaux au côté du Collectif mâconnais de soutien au peuple palestinien pour présenter « Ghost Hunting », documentaire du réalisateur palestinien Raed Andoni. « Film sur la prison d'une puissance coloniale destinée aux colonisés », résumait un membre du collectif.
L'action se déroule dans un hangar désaffecté de Ramallah. C'est là qu'une vingtaine d'hommes, ouvriers du bâtiment, artisans, architecte, acteur, tous anciens « prisonniers politiques » détenus à la Moscobiya (principal centre israélien de détention et d'interrogatoire situé à Jérusalem), vont tenter de reconstituer leur prison. Tenter, car, hormis dans leur étroite cellule, ils avaient la plupart du temps les yeux bandés.
Au fur et à mesure que se dressent laborieusement les cloisons des étroites cellules carcérales, les souvenirs douloureux remontent à la mémoire, la parole se libère. Relations victimes/bourreaux, interrogatoires musclés, violences physiques et psychiques, privation de sommeil : la chasse aux fantômes du passé peut-elle être la base d'une thérapie, servir d'exutoire pour exorciser un vécu traumatisant ?
Raed Andoni, qui fut lui-même incarcéré à la Moscobiya à l'âge de 18 ans, a dédié son film aux « 750 000 Palestiniens qui ont fait l'expérience des prisons israéliennes et des centres d'interrogation depuis 1967 ». « Ghost Hunting » (« Istiyad Ashbah »), présenté en avant-première à la Berlinale 2017, a reçu le prix du meilleur documentaire.
Le cinéaste palestinien Abdel Salam Shehadeh, accompagné d'une interprète, était également présent ce soir-là au Cinémarivaux. Il a découvert le documentaire en même temps que les spectateurs mâconnais. Fortement ému par les témoignages des ex-prisonniers, il a loué l'initiative de son confrère qui a donné à ces hommes l'occasion de livrer leur véritable ressenti, chose irréalisable au quotidien pour eux qui, une fois libérés, sont considérés comme des héros et doivent se comporter en tant que tels.
« To my Father », qu'Abdel Salem Shehadeh présente au festival « Palestine en vue », a été tourné en partie dans le camp de réfugiés de Rafah, à Gaza, où il est né. Le documentaire retrace cinquante ans d'histoire des Palestiniens et des Arabes à travers la photo. Un hommage tout en poésie aux photographes.
R. A.