Un rapport bien supérieur à la moyenne nationale. La pénurie de médecins libéraux est connue de longue date. Mais la situation ne va pas vraiment en s'arrangeant, aggravée par la crise sanitaire, ont indiqué le président et les vice-présidents du Conseil de l'Ordre au cours d'un point presse ce jeudi. « L'ARS devrait passer bientôt le département en zone fragile » préviennent-ils.
S'il y a plus de médecins actifs aujourd'hui sur le département qu'en 2017 (1382 en 2017 pour 1432 aujourd'hui – chiffre englobant tous les médecins inscrits à l'Ordre), le temps médical lui, à savoir le temps consacré à la consultation, diminue. Plusieurs raisons à cela : l'augmentation et le vieillissement de la population, une demande de soin toujours plus pressante et pressée, les aspirations des médecins qui évoluent, la démographie médicale avec des départs en retraites nombreux et non remplacés.
Dans le détail des chiffres, les médecins généralistes libéraux sont 58 de moins qu'en 2017. en revanche, le nombre de médecins salariés (exerçant à l'hôpital, médecins scolaires, du travail, au centre départemental de santé etc.) augmentent (+40 à l'hôpital ; + 42 médecins salariés).
Autre chiffre significatif, sur 441 médecins généralistes libéraux, 35 % ont plus de 60 ans. « Et nous n'allons pas vers un renouvellement massif. »
Ceci étant posé, reste à trouver des solutions pour donner envie aux médecins de s'installer en campagne. Le salariat est une réponse, mais il réduit le temps médical. « Les salariés font 35h et sont parfois à temps partiel quand le médecin libéral fait 12h par jour. Il y a encore quelques temps, l'épouse suivait son mari qui s'installait à la campagne. Aujourd’hui, la vie de couple et la carrière du conjoint compte pour beaucoup dans le choix d'une commune d'installation. Autre élément, le médecin qui partait à la retraite laissait un cabinet qui était repris quasiment automatiquement. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. »
Ces deux données impactent la permanence des soins, « qui rappelons-le, est basée en libéral sur le volontariat ! » a souligné le docteur Montagnon. Les jeunes médecins qui s'installent y regardent à deux fois quand ils font leur choix. Une commune qui ne compte que deux médecins veut dire automatiquement plus de gardes le week-end et les nuits...
Par ailleurs, la Saône-et-Loire a un problème crucial de charge de travail : « Sachez que sur le département, il y un médecin pour 1 800 patients ! Alors que la moyenne nationale se situe autour de un pour 800 à 900. Tous les médecins sont surchargés et prennent plus de patients que la qualité des soins le permet. On ne peut raisonnablement pas imposer davantage de patients à des médecins déjà surchargés. »
Une solution envisagée pour résoudre en partie ce problème est la régulation : « C'est un gros chantier qui a débuté avec la création du médecin référent, une bonne chose pour la coordination des soins, pour éviter le nomadisme médical. Mais ce n'est pas suffisant, loin de là. » Le Conseil de l'Ordre souhaite également que les patients soient responsabilisés. « Le réflexe urgences ou Maison médicale de garde n'est pas bon. Il est important de rappeler que le 15 a aussi une fonction de régulation. C'est le 15 qui oriente le soir ou le week-end vers le médecin de garde. Il faut le dire et le redire car les Maisons médicales de garde sont elles aussi souvent surchargées, tout comme les urgences, chacun le sait bien maintenant. »
Quant aux déserts médicaux, le centre départemental de santé est une première réponse. « Mais le salariat est une réponse pour certaines personnes, pas pour d'autres, qui tiennent au régime libéral de leur activité. Pour eux, il faudra peut-être envisager des incitations financières, des exonération fiscales. Il n'est pas bien normal non plus qu'une consultation soit à 25 €, ce n'est pas assez. »
Il faut aussi réduire l'emprise administrative. « Imaginez que pour remplir un dossier MDPH, il faut passer une heure dans les papiers. En moyenne, pour une consultation de 20 minutes, c'est 7 minutes de papiers. »
Bref, toute une organisation à revoir pour augmenter le temps médical et permettre aux médecins de continuer à se former au cours de leur carrière, ce qu'ils n'ont plus le temps de faire.
En cette période électorale, le Conseil national apporte sa contribution à travers une dizaine de pages intitulées #Soignerdemain – Pour une transformation de notre système de santé.
Rodolphe Bretin
Les trois médecins ont rappelé le rôle du Conseil de l'Ordre qui est simplement de faire respecter la déontologie, dans l'intérêt du patient. Le Conseil n'a pas de rôle syndical mais il vient néanmoins en aide aux médecins en difficultés financières ou morales.
Ils ont également salué également l'engagement des médecins retraités dans les centres de vaccination. « Ils ont montré une belle générosité. Ces centres ont été la bonne réponse pour la vaccination de masse. »
Photo : Les docteurs Ligier (vice-président), Mauduit (président) et Montagnon (vice-président)