...avec qu'une couverture pour les nuits passées dehors.

Moi, Moussa, je viens de l’Afrique, loin, loin au Sud … Mon histoire est la mienne, pauvreté, famille nombreuse qui ne pouvait plus me nourrir. Je suis parti seul avec une idée en tête comme beaucoup de mes compatriotes, aller vers le Nord, en France, pays des droits de l’homme. J’ai traversé à pieds, parfois sur la plate-forme d’un pick-up moyennant de l’argent, de nombreux pays où j’ai dû travailler pour pouvoir me payer le passage en bateau de la mer. J’ai été battu, humilié, j’ai eu faim, soif, j’ai vu des autres, garçons, filles, frappés, violés, volés, obligés de dormir au milieu de détritus, obligés de travailler tous les jours, des heures durant. Certains ont disparu de ma mémoire, de la vie même, à force d’être mal traité, à bout de force à se noyer, embarcation coulée dans la tempête, embarcation délabrée, passeur cynique abandonnant le navire … Arrivée en France par l’Espagne ou l’Italie, montagnes à grimper sous une chaleur torride ou par un froid qui vous ronge jusqu’à en mourir, statue de glace souvent découverte le printemps venu, je me croyais sauvé, pays des droits de l’homme, de la liberté, de l’égalité et de la fraternité …

(Histoire condensée, synthétisée, tirée de multiples parcours de jeunes mineur(e)s arrivé(e)s en fin de route migratoire, ici depuis l’Afrique, mais aussi depuis l’Afghanistan, le Yémen, la Syrie et tant d’autres régions du monde où sévissent guerre, famine, politique répressive, ou, et, pauvreté …).


Ce 7 février 2023, à l'occasion du premier anniversaire de la loi Taquet (*1) sur la protection de l'enfance, loi qui n'est ni favorable aux mineurs non accompagnés (MNA) étrangers, ni appliquée lorsqu'elle les protège, des associations tiennent à témoigner. Si cette loi a globalement permis d'améliorer la protection de l’enfance, elle a constitué un recul pour les droits des mineurs isolés (*2). Les dispositions favorables les concernant, telles que l’interdiction de l’hébergement hôtelier ou l’instauration d’un temps de répit avant l’évaluation de leur minorité, sont dérisoires au regard des mesures remettant en cause leur accès à la protection de l'enfance. La présomption de minorité n’est pas respectée en France (*2), or respecter la présomption de minorité, c’est respecter l’intérêt supérieur de l’enfant et le droit au secours effectif.

Le 7 février ont été publiées par 7 associations nationales et 28 autres associations (*3) signataires, 90 recommandations (*4) appelant le gouvernement à réformer l'accueil et la prise en charge des mineurs isolés étrangers.

« La Coordination Nationale des Jeunes Exilés en Danger » (CNJED), signataire des recommandation, appelle le gouvernement à se mettre en conformité avec les nombreux textes, nationaux, européens et internationaux concernant les droits de l’enfant dont il est lui-même signataire. Elle invite, tout au long de ce mois de février, chaque collectif/association aidant des jeunes MNA à adresser, au Procureur de la République dont ils dépendent, un signalement attestant des dysfonctionnements, carences, insuffisances, maltraitances constatées localement et qui mettent en danger les jeunes étrangers relevant de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE).

Ainsi les sections de Mâcon de la LDH (Ligue des Droits de l'Homme) et d'ASTI (Association de Solidarité avec Tou.te.s les Immigré.e.s), ont adressé un signalement, ce mardi matin 7 février à Monsieur le Procureur de la République de Mâcon, fondé sur les constatations faites par les deux associations citées, à savoir : des jeunes de plus en plus nombreux, de plus en plus jeunes (14 ans), de plus en plus souvent jeunes filles, avec parfois des problèmes de santé somatique ou mentale non résolus, sont laissés ou remis à la rue par les services de l’ASE. Soit parce que le service assurant leur accueil et leur évaluation est fermé (jusqu’à plusieurs semaines par an). Soit parce que l'évaluation aboutissant à la non reconnaissance de minorité et à la mise à la rue ne respecte pas la présomption de minorité ni l'intérêt supérieur de l'enfant requis par la loi. Cette évaluation procède d'une logique de suspicion tout comme l'utilisation abusive des tests osseux, dont la fiabilité est contestée, ou la remise en question systématique des documents d'état civil.

C'est pourquoi ces associations demandent :

        - La mise à l'abri immédiate de tout jeune isolé se présentant comme mineur, dans des dispositifs de droit commun de la Protection de l'Enfance (et non dans des modulaires insalubres ou des chambres d’hôtel comme à Mâcon). 

       - La reconnaissance et le respect de la présomption de minorité et du droit au recours juridique effectif, la prise en charge par l'ASE devant être maintenue jusqu'à une décision judiciaire définitive (ce qui était le cas à Mâcon il y a encore quelques années et a été remplacé par une mise à la rue "sèche" pendant le recours).

       - Une prise en charge globale et adaptée leur permettant d'accéder à leurs droits fondamentaux (santé, scolarité, ...) durant toute cette période, identique à celle dont ils bénéficieront après placement provisoire à l'ASE par le Juge des Enfants jusqu'à leur majorité (ce qui n’est bien sûr pas le cas à la rue où ils n’ont officiellement même pas le droit de bénéficier du 115 comme à Mâcon).

      - La sécurisation de leur avenir à leur majorité, qui passe par l'obtention d'un titre de séjour à leurs 18 ans."

 MsP


ASTI, 65 rue Chatillon, MÂCON, Tél 07 49 22 45 60, Mail : macon.asti@NotAllowedScript6621b0086aef0gmail.com

LDH, 6 Rue de Crewe, MÂCON, Tél 06 44 72 35 70, Mail : macon@ldh-france.org

(*1) Loi Taquet sur la protection de l'enfance

(*2) Article du JDD « Qu'est-ce qu'un "mineur isolé étranger ? »  

(*3) L’AADJAM, la Cimade, InfoMIE, le Gisti, le Secours Catholique, l’Unicef, Médecins du Monde  et signés par ADDE, ADMIE, ADJIE, ALJT, ANAS, Apprentis d’Auteuil, Cause Majeur !, Centre Primo Levi, Construire ensemble la politique de l’enfance, Collectif ensemble contre la traite des êtres humains, Coordination Nationale Jeunes Exilé.es en Danger, Collectif ALERTE, Comede, Cofrade, Clowns sans frontières, Dynamique « De la Convention aux Actes », ECPAT, FAP, Futur au Présent, Hors la rue, L’uniopss, LDH, MRAP, RESF, Syndicat de la magistrature, Safe Passage, SAF, UNAP.

(*4) 90 propositions pour une meilleure protection de migrant.es mineur.es isolé.es

De gauche à droite, Gilles Reiset -LDH-, Danièle Frantz -LDH-,

Clément Wittmann -Amnesty International-, Marcienne Delmas -ASTI-.