Quand on pense à Magyd Cherfi, le nom de Zebda vient d’emblée, et tous ces tubes engagés et dansants tels que Tomber la chemise... Une rencontre avec l'artiste était proposée jeudi soir à la MJC de l'Héritan, en ouverture de l'Université populaire.
Au fil du temps, il a multiplié les formats d’écriture. La chanson est toujours là, mais en solo. Il a publié un 4ème album, Le Propre des ratures, entre rock et reggae. Il a ajouté des billets d’humeur, des nouvelles et un roman : La Vie de ma mère. Un point commun à toutes ces écritures : la même volonté de témoigner empreinte d’une colère qui ne pourra jamais s’apaiser.
Françoise Riss, la présidente de la MJC, Nathalie Canard, directrice, et Éric Binet, ancien président, étaient ce jeudi en fin d’après-midi aux avants-postes pour accueillir l’artiste toulousain. Magyd Cherfi est auteur et chanteur. Fils d’immigrés algériens, il a été la voix et le parolier du groupe Zebda, avant de se lancer dans la chanson en solo et l'écriture. En groupe, il rencontra le succès avec de nombreux titres inscrits au patrimoine musical français. En solo, son premier récit, Ma part de Gaulois (Actes Sud), fut un succès phénoménal sélectionné au Prix Goncourt.
La présidente explique la démarche de la MJC quant à cette invitation : « Depuis 2011, la MJC Héritan propose des conférences dans le cadre de son université populaire. Elles ont pour objectif de nous apporter, à nous citoyens, un éclairage sur tous les thèmes qui touchent la société, sans jamais prendre parti. L'éducation populaire telle que nous la défendons a pour but de favoriser l'émancipation et la formation des citoyens, de tous les citoyens. Cette année, avec nos partenaires, Ville de Mâcon, Académie, Théâtre et Musée, la thématique commune retenue est « la ville » : nous parlerons donc de la culture dans les quartiers, des 120 ans de la loi de 1905, de l'eau, des transports, de l'influence de l'intelligence artificielle sur la démocratie, de l’impact de la pop culture sur les relations amoureuses...
Cette saison, nous avons souhaité faire évoluer le format des conférences en y mêlant des lectures-concerts, des projections, un film… En ouverture de saison, nous proposons cette rencontre dédicace avec ce grand artiste qui, dans le cadre de notre partenariat avec La Cave à Musique, y propose son concert « Longue Haleine » entre scène musicale et parole littéraire. »
« La Vie de ma mère’ », fiction vaudevillesque sur l’émancipation de cette femme, que ses enfants nés en France ont façonnée en icône sacrificielle, ressemblant en de nombreux points à la mère de Magyd Cherfi, à ceci près que celle-ci n’a jamais – à la connaissance de son fils – franchi le pas avec son « beau Gitan ». La plume incisive, humaniste et passionnée de ce fils, dans la soixantaine, ouvre par son témoignage franc et sans détour, les voix de la colère de la révolte, de la dénonciation.
Par le jeu des questions-réponses d’un public nombreux, attentif, et sous le charme de ce grand poète de la vie, les unanimismes orientés, de façade, sont démolis, pour révéler une réalité vécue encore chaotique et douloureuse. Le rêve d’une Famille France d’amour, de liberté, de progrès est détricoté, et apparait, dans les mots de Magyd comme une souffrance sourde : « on se tait, mais on n’adhère pas ! » sonne comme un cri de révolte, et le « je suis désabusé quand je regarde devant moi… » amorce le réarmement des combats incessants, mais revigorants.
Avec générosité et sagesse de celui qui aime, Magyd Cherfi passe en revue l’univers souvent caché de la condition de ces Français venus d’ailleurs. Ce sont ces femmes et ces hommes, retranchés dans « la paix des caves » qu’il porte avec un talent fou, vers la lumière.
Ses seules armes dans cette quête sont celles du beau, de l’amour, de la passion, bref celles, de la Culture.
Pour ce grand moment de partage, Marcelo de Souza Barbosa, le libraire repreneur du Cadran Lunaire, proposait les ouvrages de Magy Cherif. On pourra les retrouver facilement.
J.-Y. Beaudot