Très troublante audience de comparution immédiate ce vendredi... Un homme de 25 ans, accusé d'être l'incendiaire de plusieurs véhicules les 21 décembre et 3 janvier dans le secteur des archives départementales, conteste les faits. Pourtant tout l'accable.
Dans la nuit du 20 au 21 décembre, deux voitures en stationnement sont détruites par le feu, deux autres sont touchées par les flammes ; dans la nuit du 2 au 3 janvier, une autre voiture est détruite par le feu dans le même secteur et une voiture est dégradée par propagation.
Le 21 décembre, c'est le prévenu lui-même qui prévient les pompiers. Il est 4h00 du matin et des véhicules en stationnement s'embrasent. L.P. Passe par là et voit le départ le départ de feu. Les pompiers arrivent, ainsi que la brigade anti-criminalité. L.P. filme l'intervention avec son téléphone et s'en va à la rencontre d'un policier, l'informe qu'il a appelé les pompiers et lui raconte son passif d'incendiaire de voiture mais affirme qu'il n'est pas responsable de ce qui se passe. Il raconte également son hospitalisation à Sevrey suite à des faits similaires.
Il est interpellé à 8h50 chez lui. Il habite au foyer de la rue St-Antoine, à quelques mètres de l'incendie... La caméra de surveillance montre des va-et-vient répétés au moment des faits.
La nuit du 3 janvier, on le voit sortir de chez lui peu avant les faits avec une cagoule sur la tête et des gants au mains alors que la température est plutôt douce pour la saison. Une dame a appelé les pompiers à 5h30 pour un incendie sur un véhicule en stationnement. Il n'a pas d'explication, dit simplement qu'il allait boire une bière au bar de la place Gardon et acheter un briquet.
Il est interpellé le 3 à 8h50, chez lui, au foyer. Il est alcoolisé. Placé en garde à vue, il est incarcéré le 5 janvier avant de se retrouver dans le box, sous escorte, ce 6 janvier.
Les policiers constatent qu'il ne peut pas voir les incendies de sa fenêtre. C'est pourtant bien lui qui a appelé les pompiers le premier la nuit du 21. Il est arrêté une première fois ce jour-là. Il présente des scarifications sur le torse et est hospitalisé. Son état psychique est incompatible avec une incarcération. Il sera remis en liberté le 27, par un arrêté préfectoral qui lève l'hospitalisation sous contrainte.
En 2021, il commettait les mêmes faits et était condamné à un an de prison.
Son casier fait état de cinq condamnations depuis 2015 pour des faits de conduites sous l'empire d'un état alcoolique, port d'arme, et dégradation de bien privé.
L'échange avec la juge est troublant. Il souhaite en finir avec la vie avant 30 ans. « Y a pas la peine de mort, c'est con... » dira-t'il, « mettez-moi à Varennes » ou encore, « j'étais bien à Varennes, je veux y retourner, je vais mourir bientôt, dans 5 ans au plus tard, vous n'aurez plus à vous soucier de moi... Je suis dans l'auto-destruction, je vais mourir d'un cirrhose, je ne veux pas aller au delà de 30 ans. »
« On n'est pas là pour vous enterrer » lui répond la juge, « mais pour parler de votre avenir, savoir ce qu'on va faire de vous. »
Indiquons qu'il est sous curatelle renforcée. Le 10 décembre, il envoyait un mail au SPIP pour demander son incarcération après avoir appris la séparation de ses parents...
Et pourtant, il nie être l'auteur des faits dont on l'accuse, et maintient sa position.
Les psychiatres qu'il a vu font état d'une altération du discernement, mais rien qui empêche les poursuites pénales. Son avocate, maître Covarel, emploie à plusieurs reprise dans sa plaidoirie le terme schizophrénie. Mais aucun rapport d'expert ne mentionne cette maladie. Pour appuyer ses propos, autorisée par L.P., elle fait une révélation : il a été victime, à son adolescence, de viol et d'agression sexuel par un prêtre dans un internat catholique ! Tout s'éclaire alors. La souffrance, les black out réguliers, son état dépressif (il prend des anti-dépresseurs et des anxiolytiques) et, peut-être, ce geste irréversible et condamnable.
Bien malheureusement, il n'a pas porté plainte.
Le ministère public requiert contre lui 30 mois de prison avec mandat de dépôt et une révocation partiel du sursis sous le coup duquel il est pour les faits de 2021.
Après délibération, le tribunal le déclare bel et bien coupable et, compte tenu de l'altération du discernement, le condamne à 24 mois de prison (donc peine aménageable) et une révocation partielle du sursis probatoire, qui passe de 6 mois à 3. Le tribunal ordonne le mandat de dépôt.
Les parties civiles sont déclarées recevables et bénéficient d'un renvoi sur intérêts civils.
Rodolphe Bretin