Cette journée nationale du souvenir de la déportation marquant le 80ème anniversaire de la libération des camps de concentration et d'extermination nazis lors de la Seconde Guerre mondiale s'est déroulée en trois temps ce dimanche matin en présence des associations de Déportés, des autorités civiles et militaires.
Un premier recueillement avec dépôt de gerbes par la FNDIRP, représentée par Josiane Musy, enfant de déporté et sa fille Karine Morel, et le maire de Mâcon Jean-Patrick Courtois devant le monument de la résistance et de la déportation.
Un second temps de mémoire a été observé au square de la Paix, devant la stèle « La Ville de Mâcon aux victimes de l’occupation allemande et de la milice française » avant une cérémonie devant le monument aux morts présidée par la sous-préfète Agnès Chavanon.
Josiane Musy, présidente de l'association des déportés de Saône et Loire dont le père a été déporté à Mauthausen en Autriche a lu le Serment de Mauthausen prononcé en douze langues le 16 mai 1945. Puis, un message rédigé conjointement par La Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP), La Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD), L’Union Nationale des Associations de Déportés et Internés de la Résistance et Familles (UNADIF – FNDIR), avec le concours des Associations de mémoire des camps, lu par Karine Morel a précédé le dépôt de gerbes.
« Au printemps 1945, il y a 80 ans, la progression des armées alliées mettait progressivement un terme à ce qui fut l’univers concentrationnaire nazi. Depuis quelques années, le 27 janvier, anniversaire de la libération d'Auschwitz, est devenu le symbole de la commémoration de la Shoah. Cependant cette date ne marqua ni le commencement ni le terme de la libération des camps. La fin des souffrances était encore éloignée pour tous les détenus en vie...
...Ce drame humain doit nous rappeler combien il est essentiel de défendre et de préserver les valeurs universelles de dignité, de liberté, de fraternité car la loi du plus fort risque, une fois encore, de bouleverser les équilibres mondiaux.
En rendant hommage à tous les Déportés en ce dernier dimanche d’avril, jour de commémoration nationale voulu par tous les survivants à leur retour, et à une période d’une singulière gravité où tout l’acquis du passé semble vaciller, nos générations qui n’ont pas connu l’horreur des camps doivent poursuivre le combat pour bâtir un monde de paix, de justice et de tolérance. »
La Batterie-Fanfare de l'Harmonie municipale a entonné le chant des marais avant la lecture par la sous-préfète du message de Patricia Miralles, ministre déléguée auprès du ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens Combattants :
« Chaque année, le dernier dimanche d’avril, la République se recueille. Elle se recueille pour nommer les absents, pour rendre justice aux visages effacés, pour transmettre aux vivants ce que la mémoire seule peut sauver de l’oubli.
Aujourd’hui, nous commémorons une blessure qui a failli emporter le Vieux Continent. Une blessure infligée à l’humanité tout entière, au cœur même de l’Europe. Elle nous rappelle que sur nos terres, dans ce siècle encore très proche, l’homme a pu devenir le bourreau, l’assassin, le visage répugnant de la barbarie déchainée.
Ils furent des millions, arrachés à leurs vies, à leurs maisons, à leurs familles. Juifs, résistants, opposants politiques, otages, homosexuels, Tsiganes, témoins de Jéhovah, handicapés, réfractaires. Tous furent broyés dans les rouages d’un système organisé pour déshumaniser, avilir, faire disparaître.
Aujourd’hui, beaucoup de nos concitoyens ont en mémoire l’étoile jaune cousue sur la poitrine des Juifs. Chez eux, dans la rue, jusqu’au fond des camps, ils n’ont pu s’en débarrasser.
Mais gardons aussi en mémoire :
• Le triangle rouge pour les prisonniers politiques
• Le triangle noir pour les asociaux
• Le triangle marron pour les tziganes
• Le triangle rose pour les homosexuels
• Le triangle bleu pour les émigrés
Gardons en mémoire ces triangles et étoiles de la haine qui accompagnaient des numéros qui écrasaient l’humanité des déportés.
Dans cette mécanique de l’horreur, la France connut son lot de douleurs. Elle connut aussi son sursaut.
Parmi les déportés français, ils furent des milliers à être arrêtés pour avoir dit non. Non à la tyrannie. Non à l’abandon. Non à la barbarie. Ces femmes et ces hommes, parfois très jeunes, portaient dans leurs gestes la flamme d’une République qu’on croyait éteinte. Ils furent les héros de la liberté que d’autres voulaient supprimer.
Celles et ceux qui ont survécu aux camps, miraculés d’un voyage par-delà l’horreur, la souffrance et la mort, sont revenus avec la conscience ébranlée, mais résolue. Conscients du rôle qu’ils auraient à jouer, de la valeur morale et politique de leurs témoignages et de l’importance de préserver leur mémoire de l’oubli comme du mensonge, ils se sont regroupés dans un foisonnant mouvement associatif qui allait influencer les choix de la Nation.
Henri Manhès, Marcel Paul et le père Riquet ont fondé dès 1945 une fédération afin de faire vivre les valeurs de résistance qui furent les leurs. Leur héritage vit encore aujourd’hui et il est important de la préserver.
Aujourd’hui, dans nos écoles, dans nos mairies, dans nos préfectures, leur mémoire nous parle encore. Elle nous dit que la déportation n’est pas une histoire lointaine, figée sur le papier glacé des livres d’histoire. Elle est un avertissement, et même une exigence. Elle est le socle d’un engagement sans cesse renouvelé pour les droits humains, pour la dignité, pour la paix.
Il ne s’agit pas seulement de se souvenir. Il s’agit de transmettre. De dire aux jeunes que ces crimes ont été rendus possibles par le silence, l’indifférence, l’habitude. Et qu’ils peuvent renaître, dès lors que nous cessons d’être vigilants.
C’est pourquoi la République ne transige pas avec la mémoire. Elle la fait vivre, en l’enseignant, en l’honorant, en la défendant.
Aujourd’hui, la France pense aux disparus, à ceux qui ne sont jamais revenus. Elle pense aux survivants, dont les paroles, longtemps étouffées, ont ensuite éclairé le monde.
Elle pense aux enfants et aux petits-enfants de déportés, porteurs d’un héritage douloureux, mais nécessaire.
Qu’ils sachent que la Nation ne les oublie pas. Que leur histoire est aussi la nôtre. Et que nous sommes, ensemble, les gardiens de cette vérité vertigineuse.
Aujourd’hui, alors que l’histoire s’accélère et que les certitudes semblent vaciller chez certains, soyons dignes de l’héritage que nous ont transmis les déportés. Un héritage d’humanité, de justice et de grandeur. Une rectitude morale qui nous élève.
Souvenir, reconnaissance, transmission : telle est la promesse que la République renouvelle en ce jour.
Vive la République !
Vive la France ! »
Maryse Amélineau
Photos © Maryse Amélineau
Josiane Musy entourée de son époux et de sa fille