LE THÉÂTRE A 50 ANS !
Contexte
● Un souffle national : la naissance d’une culture pour tous
À la fin des années 1950, la France entre dans une ère nouvelle : la culture quitte les salons des élites pour s’installer au cœur des villes et dans les régions. En 1959, André Malraux devient le premier ministre des Affaires culturelles et incarne une politique ambitieuse : démocratiser l'accès à la culture en la rendant présente partout. « Rendre accessibles les œuvres capitales de l’humanité au plus grand nombre » devient la devise. Partout en France, des villes moyennes sont invitées à investir dans des équipements culturels.
● Mâcon : laboratoire d’une politique culturelle locale
À Mâcon, la dynamique culturelle nationale impulsée trouve un écho singulier. Dès 1968, la ville se dote d’un animateur culturel – une des premières expériences de ce type en France sans Maison de la Culture. Gérard Guillot, délégué par le ministère, s’installe à Mâcon en juin 1968 pour coordonner un projet original de « Maison de la Culture éclatée » : MJC, bibliothèque moderne, Musée des Ursulines rénové, et bientôt un théâtre, ou plutôt un CAC (Centre d’Animation Culturelle).
Cette approche innovante de Maison de la Culture éclatée est saluée comme « une intéressante expérience culturelle » par la presse. Elle s’appuie sur une multitude d’initiatives pour faire entrer la culture dans tous les quartiers et auprès de tous les publics : bibliocar sillonnant les zones périphériques, ateliers de théâtre à l’Hôtel de Ville, récitals dans les maisons de jeunes, débats dans les entreprises. « À Mâcon, tous ceux qui ont des responsabilités culturelles et éducatives se retrouvent parfois autour d’un même sujet », écrivait Gérard Guillot à l’époque. On observe déjà de premiers exemples de coopération culturelle locale.
● Marbé : des idées en béton pour le nouveau quartier
C’est dans le contexte de la ZUP (Zone à Urbaniser en Priorité) de Marbé, symbole de l’urbanisme des Trente Glorieuses, que la construction du théâtre est décidée. Débuté en 1971, le chantier répond à un triple objectif :
• Offrir aux habitants du quartier populaire les mêmes droits culturels que ceux du centre-ville
• Marquer le dynamisme de la ville
• Concrétiser l’ambition nationale d’une culture pour tous.
Comme le résumait alors le maire Louis Escande, « la culture est un perpétuel moyen de libération ».
Histoire et projets
● Du besoin d’un lieu à la vision d’un espace vivant
Dans les années 1960-1970, alors que Mâcon connaît un essor démographique et urbain, la ville rêve d’un équipement à la hauteur: un centre culturel pour accueillir théâtre, danse, expositions, concerts. Déjà, en 1969, on parle d’un « Centre d’Animation Culturelle » qui sera plus qu’un simple théâtre : une grande salle de 1000 places, une plus petite de 400, une galerie d’exposition, une cafétéria...
« On ose à peine prononcer le mot théâtre tant les Mâconnais taxent ce projet de serpent de mer... », notait le bulletin municipal à l’époque. Le projet de théâtr e,discuté, repoussé, remanié pendant plus de 10 ans, devient presque une légende locale. Mais la persévérance finit par payer : en 1971, les travaux commencent enfin.
Pendant ce temps, la ville poursuit son action et son engagement : le service de l’Action Culturelle organise lectures, spectacles, expositions dans les écoles, les maisons des jeunes, les foyers ruraux, et même les entreprises.
En 1970, les projets de l’Action Culturelle touchent près de 55 000 personnes dans toute la région. Les spectacles se multiplient au Théâtre de l’Hôtel de Ville rénové en urgence en 1970 pour accueillir Léo Ferré et autres grandes productions. La salle est cependant vite jugée trop petite.
● Un bâtiment qui dialogue avec son époque
Conçu par Robert Levasseur, Le Théâtre se veut une œuvre d’art totale. Sa silhouette géométrique, son talus végétalisé, son vitrail coloré et ses sculptures monumentales affirment la modernité de la ville et son ambition culturelle. Sa forme circulaire « s’accorde aux aspirations contemporaines » : souplesse, centralité, et intégration au paysage.
Architecte en chef des monuments historiques, Robert Levasseur acquiert une première expérience en matière de conception de théâtre avec le Théâtre des Arts de Rouen qu’il co-signe avec Jean Maillard en 1962. Il réalise quelques années plus tard, au même moment les Centres d’Animation Culturelle de Montceau-les-Mines et de Mâcon.
Le centre culturel Louis-Escande bénéficie également de l’intervention d’Igor Hilbert, programmiste et maître d’œuvre des équipements scéniques.
Dans le cadre du 1% culturel, Denis Morog signe la réalisation de la fresque en béton de l’ancienne cafétéria et le plasticien François Chapuis signe le grand mur-vitrail translucide en façade nord.
Une sculpture monumentale en bronze habille le hall, entre les deux escaliers : « Le Phénix » de Robert Bigot (déplacée depuis).
L’édifice détient le label « Patrimoine du XX e siècle » depuis 2015.
● Inauguration et premiers événements
Après quatre années de travaux entre 1971 et 1975, le bâtiment est inauguré le 25 octobre 1975. Timon d’Athènes de Shakespeare mis en scène par Peter Brook est accueilli en avant-première le 9 octobre : un geste symbolique pour affirmer l’exigence artistique du lieu. Le CAC devient très vite un « centre de dialogue, de rencontres et de créations » accessible à tous, comme l’avaient promis ses fondateurs.
Vie du lieu
● Premiers actes : les débuts d’une maison pour les arts
Dès son ouverture, le CAC propose une programmation ambitieuse, prolongement des actions menées par l’Action Culturelle : expositions à ciel ouvert, spectacles dans les quartiers, lectures dans les écoles, ballets contemporains... « Mâcon transfigurée », titrait alors la presse.
Après tant d’années d’attente, tout le monde veut sa part du lieu, si bien qu’on ne sait plus très bien ce qu’il faut y faire, ou ne pas y faire. Rapidement, le besoin d’un projet pour habiter ce bâtiment hors normes se fait ressentir.
Après une succession de plusieurs directions du CAC, Charles Prager est engagé pour transformer la structure qui fut renommée Saônora à partir de 1985. La structure, qui était jusqu’alors une association, change de statut juridique pour être constituée en SCOP-SARL.
● Scène nationale : un label au service d’un projet
En 1991, le théâtre devient Scène nationale, affirmant son rôle régional et sa mission d’accompagnement de la création contemporaine. Ce tout nouveau label permet à l’époque de regrouper les anciennes Maisons de la Culture et les Centres d’Action Culturelle.
Il s’ancre dans le réseau national des 78 scènes et développe résidences, coproductions et une programmation contemporaine.
Ce label décerné par le ministère de la Culture définit des missions qui s’appuient sur 3 champs de responsabilité :
• La responsabilité artistique
• La responsabilité professionnelle
• La responsabilité publique
Les directeur·ices et projets successifs :
1985-1995 : Charles Prager, qui en fit un haut lieu de la musique contemporaine (Saônora)
1995-2003 : Ghislaine Gouby, qui choisit comme dominante la chanson, le nouveau cirque et le théâtre. La scène nationale est rebaptisée Le Théâtre en 1996.
2003-2021 : Laurence Terk, qui donne à la danse une place centrale dans son projet
À partir de 2022 : Virginie Lonchamp, et son projet La Fabrique de la relation qui réaffirme la pluridisciplinarité et met la coopération au cœur du projet.
Après avoir été l’unique Scène nationale de France dotée du statut juridique de SCOP, elle conserve son caractère juridique unique en devenant une SCIC-SAS en 2022.
● La Fabrique de la relation : un projet pour un lieu ouvert
Aujourd’hui, fidèle à l’esprit des premières années du CAC, le théâtre continue d’inventer des formes innovantes pour aller vers les publics : spectacles dans et hors les murs, soutien à la création, présence d’artistes au long cours, projets avec les publics, actions dans les quartiers, les communes.
Sa raison d’être pourrait être empruntée à l’époque : « Un Théâtre ouvert à toutes et tous, ouvert sur son territoire, ouvert à une variété d’usages, pour favoriser les rencontres et le collectif ».
En 2025, une nouvelle réflexion s’engage pour expérimenter autour de la notion de « lieu de vie », et ainsi transformer Le Théâtre en un lieu convivial et toujours plus ouvert. Les mercredis de novembre à janvier, venez passer un instant, quelques heures ou toute la journée au Théâtre. Après 50 ans de vie, l’esprit de la culture pour tous·tes continue d’habiter ce lieu. Venez, Le Théâtre est grand ouvert !
● Une exposition : Le Théâtre à 50 ans !
En puisant dans les archives municipales de Mâcon, mais aussi dans les différents recoins du Théâtre, la compagnie Entre chien et loup fait revivre, à travers cette exposition scénographiée, l’atmosphère des années 1970, les premières années de construction et de vie du bâtiment, les matériaux scéniques de l’époque et le rêve d’une culture pour tous et toutes.
Recherches et scénographie : Camille Perreau / Création sonore : Marc-Antoine Granier / Mobile de photos : Pierre Acobas / Construction : Andrzej Zeydler-Zborowski / Archives sonores : INA (Institut National de l’Audiovisuel).
Remerciements : Franck Métrot et l’équipe des Archives municipales de Mâcon / Frédéric Retrif du service culture de la Ville de Mâcon / Sam, Luc, Charlotte et Karine des services reprographie et reliure de la Ville de Mâcon / Jean Guy, Philippe Chavet, Valérie Bon, Christopher Crimes, Sophie Talabot pour le partage de leurs souvenirs / Caroline Massoué et la famille Audiffren pour le prêt d’un dessin original du bâtiment.
● Ouverture de l’exposition
→ Sam. 20 sept. 10h-17h
→ Mer. 24 sept. 45 min avant et 1h après l’étape de travail d’In Difference (19h)
→ Mer. 21 jan. 9h-18h dans le cadre du Théâtre lieu de vie
→ Du jeu. 15 jan. au jeu. 12 mars 45 min avant et 1h après les représentations
Ouverture de l'établissement ce samedi à l'occasion des Journées du patrimoine